L’état de crise profonde dans laquelle se trouve notre civilisation, illustré depuis une dizaine d’année dans ce blog, devient un sujet banal. Les nouvelles dans les médias, les résultats des élections dans les grandes démocraties, les rapports scientifiques sur l’état de notre écosystème, les situations vécues ou observées par de plus en plus de personnes concordent dans ce sens.
Un fait nouveau à mes yeux est, qu’au-delà des sages, intellectuels et autres personnages qui appellent depuis des dizaines d’année à réagir mais dont les messages sont peu perçus par le grand public, des acteurs plus médiatiques reconnaissent eux aussi la gravité de la situation et commencent à proposer de « changer le Monde ». Par exemple, le Pape François, dans sa dernière encyclique, sort du rôle habituel de chef de l’église catholique en prônant la remise en cause du capitalisme et la préservation de l’environnement. De son côté, la dirigeante du magazine américain mondialement connu Time propose dans son éditorial du 12 décembre 2016 d’ « explorer des moyens pour que le monde des affaires puisse être une force d’entrainement afin de mettre fin à la pauvreté et créer un monde plus soutenable ». Ce média s’est allié avec un symbole du capitalisme triomphant, le magazine Fortune, pour organiser les 2 et 3 décembre à Rome un forum réunissant autour du Pape des lauréats des classements « Fortune 500 » et « Time 100 leaders » afin de chercher des solutions pour « changer le Monde » (1).
Cette approche pour « changer le Monde » portée par l’Olympe du Système politico-économique et médiatique dominant, fortement responsable du piètre état de notre civilisation, est-elle crédible ? Les éventuels projets qui en sortiront remettront ils en causent les fondements du « Système » responsables de la crise que sont les désirs de possession et de pouvoir ? C’est invraisemblable. Il y a même risque que, quoique soit la sincérité de certains Dieux de l’Olympe de « changer le Monde », que leurs exécutants (entreprises, administrations, …) dévoient ces projets. Donc, observons cette approche, si l’occasion nous en est donné participons-y avec circonspection, mais ne nous contentons pas de cela, ne nous laissons pas envouter par ces sirènes.
Une deuxième approche, potentiellement portée autant par la plèbe que par les Dieux de l’Olympe, soit par nous tous, c’est la voie spirituelle (si ce mot vous gêne lisez tout de même au moins ce paragraphe jusqu’au bout). Pour reprendre l’expression d’Adennour Bidar (2), le spirituel commence partout où un être humain réalise un progrès d’être et de conscience. Donc, la démarche spirituelle d’une personne n’est pas obligatoirement religieuse. Donc, l’approche spirituelle pour « changer le Monde » présentée ici concerne toute personne qui naturellement, ou volontairement, se détache de ses préoccupations matérielles pour prendre plaisir à simplement être. Je suggère à ceux qui auraient du mal à capter le sens de ce propos de faire une pause maintenant, de fermer les yeux, puis de se concentrer sur 3 respirations (3) … ça y est, vous avez fait vos premiers pas sur la voie spirituelle :-).
Comment aller plus loin ? La voie spirituelle doit être travaillée en permanence, chacun à sa façon, suivant une voie toute tracée (technique de développement personnel, pratique religieuse, pratique artistique, …) ou suivant une approche personnelle, à condition de savoir faire part de discernement. Cette voie est vraiment spirituelle si elle est empreinte d’humilité et de désintéressement et si elle permet de prendre conscience des liens forts qui existent entre soi, les autres et la nature. Cette notion d’unicité reliant tous les êtres a été expliquée par le psychologue Karl Jung et démontrée par la physique quantique (4).
Nous y sommes, l’approche spirituelle pour « changer le Monde » consiste tout simplement à être de plus en plus nombreux à nous engager dans une voie spirituelle quelle qu’elle soit, d’y progresser sans cesse, de se relier entre nous dans une démarche commune de partage, entraide, générosité … et d’étendre cette ouverture à la nature environnante.
Alors, comment s’y prendre pour que cela marche, pour que les nombreuses personnes qui sont déjà sur leur voie spirituelle soient plus reliées entre elles et en attirent d’autres pour qu’ensemble elles « fassent système » afin d’influencer significativement la marche du Monde ? Comment faire mieux que Gandhi, Martin Luther King et d’autres grands êtres influents et leurs mouvements qui ont laissé des projets inachevés ?
Premièrement, certes Gandhi n’a pas laissé un sous-continent indien pacifié, mais il a grandement contribué à la décolonisation pacifique de cette partie du monde et a tracé la voie du combat non violent repris par Martin Luther King qui, lui, a fortement contribué à l’émancipation des noirs américains, et ensuite par Mandela qui a assuré pacifiquement la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Donc, toute démarche spirituelle, même celles aux plus grands impacts, ne se suffisent pas à elles-mêmes, mais laissent des traces, comme autant de flambeaux tombés à terre, que d’autres reprendront pour poursuivre la course à leur manière.
Deuxièmement, moi le blogueur, toi le lecteur, nous les êtres humains devons plus souvent ramasser ces flambeaux, en allumer d’autres et courir ensemble. En d’autres termes, chacun d’entre nous devons encore plus souvent nous engager dans notre voie spirituelle, l’approfondir et nous mettre en lien avec les autres. Encore 3 respirations :-).
Troisièmement, nous devons amplifier cette transformation positive de notre environnement en nous ouvrant à tout ce que les sciences humaines nous mettent à disposition pour comprendre les autres et au moins influencer, si ce n’est transformer notre environnement (5). Commencer à pratiquer ne serait-ce qu’une de ces nombreuses techniques et méthodes, avec humilité et d’un façon désintéressée, permet de mieux comprendre les autres et de potentiellement leur faire du bien et donc de faire sa part de l’approche spirituelle pour « changer le Monde ». Bien sûr on peut se passer de méthodes toutes faites et faire le choix du bon sens et de son expérience personnelle pour cela, à condition là aussi de faire preuve de discernement, humilité et désintéressement.
En conclusion, comme dit le proverbe chinois « le monde autour de soi est le miroir de soi-même ». Tant que notre environnement est imparfait nous devons purifier notre comportement et agir positivement autour de soi. Plus nous pratiquerons, plus nous serons nombreux, plus nous nous relierons (6), plus le Monde s’harmonisera (7).
Didier – Citoyen du Monde
(1) : Fortune + Time Global Forum
(2) : Adennour Bidar : Docteur en philosophie, auteur de plusieurs ouvrages dont son dernier livre « Les Tisserands », Chargé de mission laïcité au Ministère de l'éducation nationale. Texte repris d’une interview dans le n°36 de l’excellente revue Sources qui a inspiré cet article.
(3) : Cliquer ici pour en savoir plus sur l’exercice des 3 respirations.
(4) : Notion d’unicité : voir article sur la synchronicité.
(5) : Méthodes et techniques pour contribuer à transformer positivement notre environnement : la communication non violente, les méthodes de communication personnalisée comme la Process Com, les méthodes de prise de conscience et d’influence de soi, des autres et de son environnement comme le Leadership de Pleine Conscience, les techniques d’intelligence collective comme l’Appreciative Inquiry ou World Café, les techniques d’analyse des systèmes de valeurs des personnes et des organisations comme la Spirale Dynamique, etc …
(6) : Exemples d’actions d’envergure pour « changer le Monde » rapportées dans le Blog Planétisme: Participer autrement à l'élection présidentielle française de 2017, Nous sommes tous un, Naissance d’une monnaie locale en Touraine, Passez à l'acte citoyen !, Incarnons l’Utopie !
(7) : Idée de Monde harmonisé : Le Planétisme
tout à fait d'accord sur l'ouverture progressive aux sciences humaines ... qui devraient être plus amplement enseignées lors des études !
manière douce d'enclencher une transformation profonde
Rédigé par : patrick | 23/12/2016 à 20:39
Cher Didier,
ton approche et recommendations sont intéressantes et j'y souscris tout en étant conscient de danger de mauvaise compréhension du mot "spirituel".
Il faut le comprendre comme complément de notre nature "animale".
La satisfaction de notre nature animale - nourriture - logement - satisfaction des désirs et besoins élémentaires apporte du confort et de la joie.
La satisfaction de notre nature spirituelle apporte le bonheur.
L'état du Bhutan l'a compris qui a instauré; "l'indice du Bonheur National brut" en complement du "Produit National Brut". On se sent bien dans ce pays du bout du monde.
Pour ma part, je trouve un élément de bonheur dans l'esprit indiqué par Nelson Mandela dans le concept africain "Ubuntu". -Je suis parce que vous êtes -
According to Michael Onyebuchi Eze, the core of Ubuntu can best be summarised as follows:
“ 'A person is a person through other people' strikes an affirmation of one’s humanity through recognition of an ‘other’ in his or her uniqueness and difference. It is a demand for a creative intersubjective formation in which the ‘other’ becomes a mirror (but only a mirror) for my subjectivity. This idealism suggests to us that humanity is not embedded in my person solely as an individual; my humanity is co-substantively bestowed upon the other and me. Humanity is a quality we owe to each other. We create each other and need to sustain this otherness creation. And if we belong to each other, we participate in our creations: we are because you are, and since you are, definitely I am. The ‘I am’ is not a rigid subject, but a dynamic self-constitution dependent on this otherness creation of relation and distance”.[
Pour moi, il n'est pas question de faire mieux que Martin Luther King, Gandhi, Mandela et tous ces Grands dont l'exemple nous montre des voies mais d'essayer de changer le monde en commençant par se changer soi-même et apporter modestement sa pierre ou grain de sable à cette grande oeuvre.
Après avoir travaillé pour Aviation Sans Frontière, je m'y essaye au Bangladesh depuis 22 ans avec la création de 'association "Friendship" et maintenant "Watever - les SeaTizens" www.watever.org
Amicales salutations.
Yves Marre
Rédigé par : Yves Marre | 25/12/2016 à 13:24
Je souscris en tout point à ce que tu évoques Didier :-)
C'est là l'idée chère à Pirre Rabhi et aux Colibris de la "Révolution Intérieure", que seuls et tous, nous pouvons engager.
En spéciale dédicace, ce texte sur les "âmes du monde"...
https://lettreouverte.wordpress.com/2016/06/26/les-ames-du-monde/
Amitié
Thierry
Rédigé par : Thierry | 29/12/2016 à 17:28
Merci Didier pour ce partage.
Il y a une difficulté dans l'engagement spirituel de chacun pour rendre le monde meilleur : celui de distinguer cette démarche spirituelle de celles qui y ressemblent. Si je m'appuie sur la spirale dynamique, il y a plusieurs niveaux qui comportent des démarches spirituelles notamment le niveau tribal, avec ses croyances magiques, ou le niveau "Bleu", conformiste... A ces niveaux, la démarche spirituelle peut être une forme d'asservissement qui peut comporter des aspects dangereux...
Alors je dis oui, bien sûr, à une démarche spirituelle qui est nécessaire, mais des précautions s'imposent !
Rédigé par : Mathieu L | 03/01/2017 à 15:18