Déchiffrage de ce qui se passe aux USA et ailleurs et perspectives pour la suite.
« Puissant, impulsif, préoccupé par la dominance et le pouvoir. Exprime le soi sans culpabilité pour satisfaire immédiatement ses impulsions. Veut être absolument respecté. Souhaite renforcer son pouvoir sur les autres et la nature à travers une indépendance exploitante. »
Ce profil de personnalité faisant fortement penser à Donald Trump est en fait la définition du profil « Egocentrique » selon la « Spirale Dynamique », méthode qui permet d’analyser le « système de valeurs » d’une personne, d’une organisation ou d’une civilisation.
Voilà ce que nous dit encore cette méthode sur ce mode de vie « égocentrique » qui va comme un gant au nouveau Président des Etats Unis : « il croit que c'est le plus fort ou le plus malin qui l'emporte ; le plus fort commande et les autres obéissent dans une structure pyramidale ; la mort ne lui fait pas peur et il pense qu’il vaut mieux mourir héroïquement que de vivre dans la honte. Ses capacités : capable d'agir pour transformer le monde qui l'entoure en balayant les obstacles qui s'opposent à lui ; il peut être enjoué, créatif et suffisamment libre pour explorer et apprécier pleinement la vie ; il peut énergiser l'organisation dans laquelle il évolue comme un catalyseur dont la présence déclenche actions et réactions. Ses limites sont : les conséquences de ses actes ne lui apparaissent pas, il vit dans l'immédiateté et est rarement capable de construire des projets à long terme ; quand ce mode est à vif, la personne prend pratiquement tout personnellement et une conversation calme et rationnelle est improbable. Comportement : sentiment de toute puissance ; moi d'abord et tout de suite ; affiche sa force et son pouvoir ».
La Spirale Dynamique nous donne des indications sur la suite possible des évènements : « Comportement face aux barrières : il fonce dans le tas, se bat dents et ongles et ne fait pas de prisonnier. Il se rabaisse et se salit. » Cela rappelle en effet son comportement durant les moments difficiles de sa campagne électorale.
Comment se comporter avec lui ? « Le convaincre en lui montrant qu'on est fort, qu'on le respecte et que ce qu'on lui propose va dans le sens de son intérêt personnel (une fois qu’il est persuadé, sa troupe suit). Aller au-delà de la peur qu'il inspire sinon elle déclenche chez lui en retour mépris et agressivité. Lui donner le respect que tout être mérite et être soi-même fort, compétent et protecteur. Avoir une réaction à ses attitudes négatives immédiate, efficace et ayant du sens. Relever sur ce mode tout comportement positif. En dernier ressort, appliquer une punition qui implique de la honte à laquelle la personne ne peut pas s'opposer. »
Quand on a affaire au Président des Etats-Unis, appliquer ces recommandations n’est bien sûr pas évident, mais cela ne sera-t-il pas nécessaire ? Ses actes agressifs et irrespectueux qui se sont enchainés depuis son apparition dans la campagne présidentielle américaine et qui continuent par ses premiers actes de dirigeant de l’état le plus puissant de la planète me donnent le sentiment que cela va continuer sur le même mode et déboucher sur un monde plus haineux et déstabilisé qu’il n’est déjà.
Avec l’élection de Donald Trump, nous sommes retournés dans l’Antiquité. A l'époque, le « système de valeurs » « Egocentrique » dominait un monde « structuré sous forme d'empires où régnaient des processus d'exploitation et de recherche de prise du pouvoir ». Les forces progressistes de l’époque, comme le Christianisme en Occident, ont permis au système de valeurs « Absolutiste » de prendre progressivement le dessus. Le monde « Absolutiste » se caractérisait par « une croyance absolue en une seule voix juste et à l'obédience à l'autorité et par une organisation pyramidale de la société ». Ensuite, durant la période de la Renaissance est apparu en Occident le système de valeurs « Matérialiste » caractérisé par « une pensée axée sur la possibilité de rendre les choses meilleures pour soi-même ». Au 18ème et 19ème siècle, toujours selon la Spirale Dynamique, ce mode de pensée a donné naissance notamment au capitalisme et à la démocratie moderne.
Des traces de tous les systèmes de valeurs passés continuent à exister chez les personnes, dans les organisations et les civilisations, et, comme des vagues, de nouvelles viennent recouvrir les anciennes. Un obstacle majeur ou une crise peuvent remettre en cause un « système de valeurs » et provoquer une évolution, sous plusieurs conditions, vers un nouveau mode ou un retour en arrière vers le précédent. L’échec du capitalisme et de la démocratie aux Etats Unis en est une illustration. Il a provoqué la paupérisation d’une grande partie de la classe moyenne, le rejet des élites et la perte de repères d’une majorité d’américains (1) qui se sont alors laissés séduire par le populisme ou l’idéalisme, incarnés par Trump et Sanders. Ce dernier était le concurrent principal de Clinton aux primaires du parti démocrate.
Trump a gagné les élections en maniant habilement les armes « égocentriques » en tant que pourfendeur de l’injustice, les valeurs « absolutistes » de ses alliés conservateurs, représentés par son ultra-conservateur et ultrareligieux vice-président Mike Pence et les savoir-faire « matérialistes » d’homme de média et du business. La société américaine dominée depuis des décennies par un système de valeurs « Matérialiste / Absolutiste » a régressé vers un monde où « Absolutisme » et « Egocentrisme » prennent plus d’ascendant, comme l’illustre la montée récente des violences et des forces antiavortements.
La bonne nouvelle est que le futur bilan de King Donald, a priori calamiteux, devrait éclairer les américains qui en auraient besoin de l’inanité et de la dangerosité du populisme. Le retour aux solutions classiques des politiques traditionnels n’étant pas non plus envisageables, nous pouvons alors espérer l’émergence d’une nouvelle voie vers une civilisation américaine plus éveillée. Que dit la Spirale Dynamique à ce sujet ? Rappel : face à un obstacle majeur ou une crise, une civilisation peut évoluer sous plusieurs conditions vers un nouveau « système de valeurs ». Le mode qui suit le « Matérialisme » dans la Spirale Dynamique est le « Pluralisme » caractérisé par « une haute priorité donnée au bien-être des gens et à la construction d'un consensus, et par une organisation de type égalitaire ou de réseau social où règnent l'approche expérimentale et le consensus » (2).
Espérons que cette vision du monde qui caractérisait le mouvement qui aurait pu porter Bernie Sanders à la nomination du parti démocrate prenne le dessus d’ici 4 ans ou bien avant, au cas où les frasques de Donald Trump provoquent son éjection prématurée du pouvoir.
Il ne faut pas exclure la possibilité que Trump parvienne, grâce à son habilité politique, à tirer son épingle du jeu dans un monde devenu dangereux et instable et où ce type de personnalité inspire plus confiance que des opposants en apparence trop idéalistes. Succéder à Donald Trump nécessite d’être à la hauteur des enjeux politiques, économiques, sociaux, sociétaux, culturels et géopolitiques qu’il va surement complexifier … pas facile !
Cette analyse de la situation politique américaine est transposable, avec quelques variantes, à beaucoup de pays occidentaux.
Didier – Citoyen du Monde
(1) : voir article dans ce blog : Brexit, Trump, Le Pen, le terrorisme et après ?
(2) : voir article dans ce blog : Planétisme
la spirale dynamique met des mots sur ce que tout le monde ressent... merci pour cet éclairage.
Ce qui est moins clair ce sont les raisons profondes du vote pour Trump; parler de "échec du capitalisme et de la démocratie aux Etats Unis" n'est pas évident devant un pays en plein emploi; quelle est la peur profonde des Américains ?
Rédigé par : patrick | 30/01/2017 à 06:14
L'échec du capitalisme et de la démocratie dont il question dans cet article est, à mon avis, le point de vue de tous les américains qui se sentent déclassés, qui vivent l'injustice de très riches de plus en plus riches alors que la pauvreté demeure et se sentent menacés par l'arrivée massive d'immigrés. Ce sont soit des réalités mais aussi des peurs exacerbés par les propos des populistes tels que Trump.
Rédigé par : Didier - Citoyen du Monde | 30/01/2017 à 08:51
Analyse très intéressante ! N'y a-t-il pas un effet ressort lié à l'administration Obama qui a tenté de tirer le pays vers le "pluralisme", ce à quoi une majorité d'américains n'était pas prête ?
Rédigé par : Mathieu | 31/01/2017 à 14:58
Question intéressante à laquelle je répondrai avec prudence car tout cela est complexe. Je pense que le ressort c'est surtout les souffrances résultant du système de valeurs "matérialiste" : capitalisme créant des inégalités, mondialisme qui détruit des emplois aux US, élites coupées des préoccupations de la population. A cela s'est rajouté le mépris ou le désintérêt pour les valeurs "pluralistes" prônées par Obama (pacifisme, égalité des races et des genres, écologie) de la part de beaucoup d'américains et la diabolisation d'Obama orchestrée par Trump et ses supporters.
Rédigé par : Didier - Citoyen du Monde | 31/01/2017 à 21:53